INBOX: Janina Fritz - Can I Be in Your House

Event

M HKA, Antwerp

18 January 2025 - 23 February 2025

Le titre de cette exposition peut être lu comme une requête douce et légèrement absurde, mais en même temps comme une question existentielle sur le fait de vivre au sein de structures restrictives, limitatives. Janina Fritz examine la relation entre le corps et l’espace, et les processus transformateurs qu’ils subissent. Les sculptures qui émergent de ce champ de tension apparaissent souvent comme des fragments architecturaux qui jouent avec la présence ou l’absence de corps, explorant des thèmes tels que le désir, l’intimité et l’isolement.

Dans les nouvelles œuvres que Fritz a créées pour cette exposition, la salle de bains joue un rôle central. Elle représente en effet un lien direct avec la corporalité. Dans cet espace, le corps se déplace et fonctionne différemment que dans les autres pièces d’une habitation. Fritz explore les associations évoquées par des architectures d’intérieures carrelées: les carreaux sont intrinsèquement liés aux salles de bains et à d’autres espaces conçus à des fins hygiéniques, tels que des boucheries, des piscines, des salles d’opération dans des hôpitaux et des toilettes publiques. Tous ces espaces interagissent avec une certaine Fleischlichkeit – un terme allemand qu’on pourrait traduire en français par caractère charnel.

Cette exploration conduit à des thèmes de transformation et d’abjection. L’abjection telle que l’entend Julia Kristeva offre un point de vue intéressant pour l’interprétation de œuvres de l’exposition. L’abjection selon Kristeva, qu’elle illustre par des matières fécales, des cadavres ou des crimes extrêmes, suscite le malaise ou le dégoût, dans la mesure où elle se situe dans un état entre sujet et objet. Des rituels tentent de contenir l’abjection et de nous protéger du chaos qu’elle incarne. Kristeva écrit: "Ce n’est donc pas l’absence de propreté ou de santé qui rend abject, mais ce qui perturbe une identité, un système, un ordre. Ce qui ne respecte pas les limites, les places, les règles. L’entre-deux, l’ambigu, le mixte". Ou, pour en revenir au titre de l’exposition: ce qui franchit le seuil métaphorique non autorisé. Cette idée entre en résonance avec le langage visuel au caractère charnel des céramiques de Fritz. La glaçure rose qu’elle utilise évoque les tons d’organes et d’intestins. Les œuvres établissent également une analogie entre le corps humain et des éléments infrastructurels de maisons, tels que des tuyaux, des conduits ou autres canalisations. À l’instar d’organes qui remplissent des fonctions corporelles essentielles, les tuyauteries traitent des éléments et des restes du corps.

Une cheminée sert d’élément central dans la pièce, ressemblant vaguement à un foyer tout en étant en lien avec les formes des autres reliefs en céramique aux sculptures illuminées. Jaillissant du sol, les "lampes qui rêvent d’être un feu" portent en elles une certaine envie de transcender leur forme domestiquée, soulignée de manière humoristique par la présence d’ampoules LED imitant le feu.

Toutefois, les matériaux utilisés pour leur création – le verre et la céramique – ajoutent un autre élément, étant donné que la fabrication de ces objets artisanaux requiert de la chaleur et du feu. Les œuvres jouent avec la notion de domestication et son contraire "la dédomestication" du feu. Elles font écho à l’idée d’éruptions d’éléments primordiaux dans le cadre familier de la maison moderne, diffusant une lumière délicate sur ce qui reste à découvrir.

À travers ses œuvres, Fritz analyse la tension entre le contrôlé et l’incontrôlé, le stérile et le corporel, révélant des strates de signification qui résonnent autant avec les expériences humaines personnelles que collectives.

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