C'est dans la nouveauté que l'homme se découvre conscient

Jef Verheyen

1959

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C’est dans la nouveauté que l’ homme se découvre conscient. Le

présent est la maison de son être ; à sa pointe  extrême s ‘affirme son

qui-vive; le reste est vécu inconsciemment de façon incomplète

Chaque expérience nouvelle augmentera son éveil, car celle de lui

Permettra de mesurer la différence qui le sépare des jalons précé-

demment marqués. Toutefois ceux qui sont imperméables à la

nouveauté végèteront dans l’éloignement. Ils furent.

L’existence authentiquement vécue se fonde sur la connaissance.

Privé de celle-ci, l’ homme devient la proie des autres, le recul devant

eux et lui-même étant pratiquement aboli. C’est  dans la partici-

pation où s’éveille la conscience, que la vie trouve sa raison d’être.

Mais combien de fois, au cours de sa trajectoire discontinue,

L’homme peut-il se dire conscient? Si le jour, au lieu de compter

Douze heures, se réduisait à deux vibrations lumineuses ; si la ro-

tation de la terre, elle, augmentait de quelques millions de tours,

le problème n’aurait pas changé puisque l’homme serait en har-

monie avec cette condition nouvelle. Il s’agit donc d’un phéno-

même intérieur, non pas d’une situation extérieure.

Rares sont ceux qui ont réussi à éterniser leur présence en forçant

l’adimensionnel. Seuls y sont parvenus ceux dont les prises de

conscience ont nourri leur art. our les générations à venir, ils

feront figure de conptemporains. Ils auront rendu existentielles les

valeurs fondamentales, et peu importe ici que le matériau utilisé

soit le mot, la couleur ou la pierre. Mis si l’adhésion de l’artiste aux

essences n’est pas assez forte, s’ils demeure l’esclave des conven-

tions de son époque, il disparâitra dans le remous des modes. La

crainte de ne pas exister en profondeur guide le créateur. Son in-

stinct le porte à s’extérioriser grâce  à un matériau sélectionné, et,

ce faisant, à témoigner devant autrui de sa pérennité. Il s’adminis-

tre ainsi la preuve qu’il EST et participe à l’adimensionnel où la

durée suspend ses rythmes.

 

En essayant de concrétiser les essences, a la fois hors du temps et

des contingences, l’ artiste permet à l’ indéfinissable de se mani-

fester, - il structure l’immatériel. C’est ainsi que le créateur s’ac-

complit dans une orientation délibérée. 

Seuls ceux qui doutent et ne sont point certains de leur réalité ont

Quelque chance d’ETRE, et cela parce qu’ils veulent affirmer l’au-

tonomie de leur art. niant les reflets qu’ils sont devenus dans la

conscience des autres, ils se retranchent dans leurs profondeurs

intimes où grace à l’examen de leurs possibilités, ils tentent de

formuler leur moi aussi concrètement que possible.

Pour conférer à sa vie le poids d’un objet, pour rendre visible son

effort, le peintre se métamorphosera en quelque sorte en couleurs.

Il déterminera ainsi sa perception  de la lumière et traduira en va-

leurs tout l’indéfinissable de son domaine. Son but est, par consé-

quent, d’enclore son unité spirituelle dans la couleur et la lumière

de celle-ci. Il rend l’essentiel par la vertu de son choix

(et ce choix est l’affirmation de son effort). Il pénètre enfin dans

l’adimension où ne bat plus la pulsation du temps.

Sa liberté tout entière s’y déploie.

 

JEF VERHEYEN

WEERT    été 1959

 

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-Galerie Bernard, April 1960

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